samedi 28 février 2009

Published samedi, février 28, 2009 by with 0 comment

Le monde est un rêve

Comment transcender les rêves.


Comment être conscient pendant les rêves.
Technique I
par Osho Rajneesh - le livre des secrets


On m'a posé une question, "pourriez-vous nous expliquer quels sont les autres moyens qui pourraient nous aider à être conscients pendant que nous rêvons?"

Voilà une question importante pour tous ceux que la méditation intéresse. Parce que la méditation est, en réalité, la transcendance du processus du rêve. Nous rêvons continuellement – non seulement la nuit, non seulement quand nous sommes endormis. Nous rêvons toute la journée. Voilà ce qu'il faut d'abord comprendre. Nous rêvons même lorsque nous sommes éveillés.

Fermez les yeux à n'importe quel moment de la journée. Détendez-vous et vous verrez apparaître les rêves. Car ils ne disparaissent jamais. Ils sont simplement supprimés par nos activités quotidiennes. Comme les étoiles pendant la journée. Vous ne pouvez pas les voir, mais elles sont quand même là. Nous ne voyons pas uniquement parce que la lumière du jour nous en empêche.

Si vous descendez dans un puits profond, alors, vous pourrez voir les étoiles même pendant la journée. Il faut une certaine obscurité pour voir les étoiles. Mais elles sont toujours là. La nuit, vous les voyez facilement. Le jour, vous ne pouvez pas les voir parce que le soleil fait obstacle.

C'est également vrai avec les rêves. Vous ne rêvez pas uniquement lorsque vous êtes endormis. Mais vous percevez plus facilement les rêves pendant le sommeil, parce que, alors, les activités quotidiennes ne les obscurcissent plus. Vous pouvez donc voir et sentir cette activité intérieure. Quand vous vous levez, le matin, elle se poursuit en vous, et il en est de même toute la journée, pendant que vous vaquez à vos activités.

Asseyez-vous dans un fauteuil, fermez les yeux, détendez-vous, et brusquement, les rêves seront là. Les étoiles sont là, elles ne se sont pas envolées ailleurs. Les rêves sont toujours là. Leur activité est continuelle.

D'autre part, puisque les rêves se poursuivent tout le temps, on ne peut pas dire qu'on est totalement réveillé. On est simplement plus profondément endormi la nuit que le jour. La différence entre ce qu'on appelle l'éveil et le sommeil est relative.

Vous n'êtes pas vraiment éveillé puisque vous rêvez. Comme les rêves forment une sorte de pellicule sur la conscience, une sorte de fumée qui vous entoure, vous ne pouvez être vraiment réveillé que si vous ne rêvez pas. (…)

Ainsi, la nuit, vous êtes simplement un peu plus profondément endormi que le jour. Voilà ce qu'il faut essayer de comprendre. Qu'est-ce que cela signifie? Pourquoi Gurdjieff a-t-il dit, lui aussi, que "l'homme est en quelque sorte endormi?".

Vous ne savez pas qui vous êtes, vous ne vous en souvenez pas. Vous savez qui vous êtes? Si vous rencontriez une personne dans la rue, que vous lui demandiez qui elle est, et qu'elle ne puisse pas vous répondre, que penseriez-vous d'elle? Vous penserez soit que c'est un fou, soit que c'est un drogué, soit que cette personne est endormie. Sur la voie spirituelle, tout le monde est comme cela. On ne peut pas dire qui l'on est.

Voilà la première signification des paroles de Gurdjieff, Jésus ou Bouddha. Vous n'êtes pas conscient de vous-même. Vous ne vous connaissez pas. Vous ne vous êtes jamais rencontré. Vous connaissez beaucoup de choses dans le domaine de l'objet, mais vous ne savez rien de celui du sujet. Vous vivez comme on va au cinéma. Sur l'écran, le film passe et vous êtes tellement absorbé par le film, l'histoire, ce qui apparaît sur l'écran, que si quelqu'un vous demande qui vous êtes, vous ne trouvez rien à répondre.

Le rêve est un film –et seulement un film! C'est le reflet du monde dans le mental. Le monde se reflète dans le miroir mental. Voilà ce qu'est le rêve. Et vous êtes si profondément absorbé dans ce rêve, vous vous identifiez tellement à lui, que vous avez complètement oublié qui vous êtes. Vous êtes "endormi". Le rêveur est perdu dans son rêve. Vous voyez tout, à l'exception de vous-même; vous sentez tout, à l'exception de vous-même; vous connaissez tout, à l'exception de vous-même. Cette ignorance de soi, c'est le sommeil. Si le rêve ne cesse pas totalement, vous ne pouvez pas vous éveiller à vous-même. (…)

Ces rêves, ce sommeil profond dans lequel nous sommes plongés, comment peut-on le transcender? La question est très importante: "Quels sont les autres moyens qui pourraient nous aider à être conscient pendant que nous rêvons?". Je vais vous parler de deux autres méthodes. (…)

La première consiste à agir, à se comporter, comme si le monde tout entier n'était qu'un rêve. Quoi que vous fassiez, rappelez-vous que ce n'est qu'un rêve. Si vous mangez, pensez que c'est un rêve. Si vous marchez, pensez que c'est un rêve. Pensez continuellement, lorsque vous êtes éveillé, que tout n'est qu'un rêve. Pensez que le monde est maya, une illusion, un rêve, comme Shankara l'a dit.

Quand on a traduit Shankara en anglais, allemand, en français, on l'a pris pour un philosophe. Ce qui a créé de nombreux malentendus. En Occident, il y a des philosophes –Berkeley, par exemple– qui ont dit que le monde n'était qu'un rêve, qu'une projection de l'esprit. Mais ce sont des théories philosophiques. Berkeley l'a proposé comme une hypothèse.

Quand Shankara dit que le monde est un rêve, ce n'est pas une théorie philosophique. C'est une aide, c'est un soutien, pour un certain type de méditation. Si vous voulez prendre conscience que vos rêves, quand vous dormez, ne sont que des rêves, il faut commencer par penser que ce que, d'habitude, vous appelez la réalité, quand vous êtes éveillé, n'est qu'un rêve aussi. En ce moment, quand vous rêvez, vous croyez que c'est la réalité.

Et pourquoi pensez-vous que c'est la réalité? Parce que, pendant la journée, vous pensez que tout est réalité. C'est une attitude qui est fixée en vous. Vous avez pris un bain, pendant la journée: c'était réel. Vous avez mangé: c'était réel. Vous avez parlé à un ami: c'était réel. Toute la journée, toute la vie, quoi que vous fassiez, vous pensez que c'est réel. C'est une attitude fixée dans votre esprit.

Ainsi, quand vous rêvez, la nuit, cette attitude continue de fonctionner. Vous pensez que c'est réel. Alors, analysons d'abord cela. Il doit y avoir une ressemblance entre le rêve et la réalité, sinon, il vous serait difficile de garder cette attitude.

Je vous regarde, je vous vois. Puis je ferme les yeux, je m'enfonce dans le rêve, et je vous vois dans mon rêve. Dans ces deux façons de voir, il n'y a pas de différence. Quand je vous vois vraiment, que se passe-t-il? Votre image se reflète dans mes yeux. Je ne VOUS vois pas. Votre image se reflète dans mes yeux, puis elle passe par de mystérieuses transformations, que la science n'a pas encore définies exactement. L'image subit une transformation chimique, puis est véhiculée jusqu'à la tête. Mais la science n'est pas encore capable de dire exactement où, comment et quand, cette transformation se produit. Les yeux ne sont que des fenêtres. Je ne vous vois pas avec mes yeux, je vous vois par l'intermédiaire de mes yeux.

Votre image se reflète dans mes yeux. Vous pouvez n'être qu'une image, vous pouvez être la réalité, vous pouvez être un rêve. Le rêve est tridimensionnel. Une image, une photo, est à deux dimensions. C'est ainsi que je reconnais que c'est une image. Le rêve est tridimensionnel, aussi quand vous apparaissez dans mon rêve, vous êtes exactement comme vous êtes dans la réalité. Et les yeux ne peuvent pas faire la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Il n'y a, pour eux, aucun moyen de juger de la différence. Les yeux ne sont pas juges.

Puis l'image est transformée en ondes chimiques. Ces ondes chimiques sont des ondes électriques qui atteignent un endroit, quelque part, dans la tête. On ne connaît toujours pas le point où les yeux entrent en contact avec la surface vue. Des ondes m'atteignent, puis elles sont décodées par les yeux. Puis mon esprit les décode à nouveau. C'est ainsi que cela se passe.

Je suis toujours à l'intérieur, et vous êtes toujours à l'extérieur. La rencontre est impossible. Alors, il m'est impossible de juger si vous êtes réel ou si vous n'êtes qu'un rêve. A cet instant même, je n'ai aucun moyen de juger si je suis en train de rêver ou si vous êtes réellement là.

Vous qui m'écoutez, comment pouvez-vous savoir si vous m'écoutez vraiment –si vous ne rêvez pas? Vous n'avez aucun moyen de le savoir. Ce n'est qu'une attitude adoptée: ce que vous voyez est réel –et cette attitude ne change pas pendant que vous dormez. Si bien que, lorsque vous rêvez, vous prenez vos rêves pour la réalité.

Essayez de faire le contraire. Voilà ce que dit Shankara. Pensez que le monde tout entier n'est qu'une illusion, que le monde tout entier est un rêve. Mais nous ne sommes pas très intelligents. Si Shankara dit que le monde n'est qu'un rêve, nous répondons alors, "si le monde n'est qu'un rêve, à quoi bon manger? Eh bien, ne mangez pas! Mais rappelez-vous que si vous avez faim, ce n'est qu'un rêve également. Ou bien mangez, et quand vous avez l'impression que vous avez trop mangé, rappelez-vous que ce n'est qu'un rêve.

Shankara ne dit pas qu'il faut transformer le rêve. Parce que l'effort déployé pour transformer le rêve est encore une fois faussement fondé sur la croyance que le rêve est réel. Sinon, il n'y aurait pas de raison de changer quoi que ce soit. Shankara dit simplement que tout ce qui arrive est un rêve.

Surtout, ne faites rien pour transformer le rêve. Rappelez-vous simplement que c'est un rêve. Essayez par exemple, pendant trois semaines de vous rappeler continuellement que tout ce que vous faites n'est qu'un rêve. Au début, ce sera très difficile. Vous retomberez sans cesse dans votre ancien mode de penser. Vous recommencerez à croire que c'est la réalité. Il faudra vous secouer tout le temps pour ne pas oublier que "c'est un rêve".

Si vous parvenez à pratiquer cette méthode pendant trois semaines, continuellement, alors, au bout de la quatrième ou de la cinquième semaine, à chaque fois que vous rêverez, vous vous souviendrez soudain que "c'est un rêve".

Voilà une manière de prendre conscience de vos rêves. Si vous parvenez à vous rappeler, la nuit, quand vous rêvez, que ce n'est qu'un rêve, alors, pendant la journée, vous n'aurez aucun effort à vous rappeler que c'est aussi un rêve. Vous saurez.

Au début, quand vous pratiquerez cet exercice, vous ferez semblant, sur la simple foi que "c'est un rêve". Mais quand vous pourrez vous rappeler pendant que vous rêvez que "c'est un rêve", cela deviendra une réalité. Et quand vous vous lèverez, vous n'aurez plus l'impression d'émerger du sommeil. Vous aurez l'impression de passer d'un rêve à un autre. Alors cela deviendra une réalité. Et quand les vingt-quatre heures de la journée ne seront plus qu'un rêve, quand vous le sentirez et quand vous vous en souviendrez, vous serez au centre de vous-même. Alors, votre conscience sera doublement aiguisée.

Si vous sentez vos rêves en tant que rêves, vous commencez à sentir le rêveur –le sujet. Si vous prenez les rêves pour la réalité, vous ne pouvez pas sentir le sujet. Si le film devient réalité vous vous oubliez. Quand le film s'arrête, et que vous comprenez que ce n'était pas la réalité, la votre surgit, existe brusquement. Vous sentez votre réalité.

C'est une des méthodes indiennes les plus anciennes. Mais quand nous insistons sur le fait que le monde est irréel, nous ne voulons pas dire que cette maison, par exemple, n'existe pas, et que vous pouvez passer à travers les murs. Quand nous disons que cette maison est "irréelle", c'est une manière de faire, un instrument, un truc. Ce n'est pas un argument philosophique pour nier l'existence de la maison.


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jeudi 26 février 2009

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Effacement de l'ego

Forcément parce qu’ils sont individuels, les reflets personnels divergent et contrarient les structures collectives…

Il n’y a pas de but à atteindre ou de chemin à suivre, car nous sommes déjà ce que nous cherchons. Il n'y a pas non plus de chercheur car il est l'ego qui est illusoire.

Ce travail sur soi transpersonnel, consiste à aller au-delà de la sphère psychologique dans laquelle l’individu a été limité, conditionné, normalisé et restreint. Ce travail intérieur est le trait d’union entre la psychologie et la spiritualité d’expérience, ces deux aspects de l’humain étant intimement mêlés.

L’égo malmené n’est pas forcément très coopératif… Seul un égo épanoui a des chances de s’éclipser devant la Conscience Universelle.

L'attitude de base est la connaissance de soi, la liberté intérieure dans l’ici et maintenant, l’effacement des attentes, la désidentification à l’égo et l’attention à la Conscience Pure.




Pistes à suivre:
  • Utiliser l’attention comme passerelle entre conscient et inconscient, afin de dissoudre l’inconscient et de libérer les énergies absorbées par nos comportements compulsifs ;
  • Éroder la mémoire émotionnelle négative originelle (tristesse, peur, colère) : se mettre au contact du sentiment puis l’investir totalement, car celui-ci s’installe dans la durée, alors que l’émotion est éphémère et impulsive. Se désidentifier des émotions par l’investigation consciente en laissant venir, car émouvoir signifie « faire sortir de » ;
  • Accueillir toute souffrance comme étant une occasion inestimable d’évolution ;
  • Comprendre que la Vie veut le mieux pour nous tous, à chaque instant, en adhérant au moment présent. Ne plus fuir dans le futur ou dans le passé, pour devenir un avec le moment présent ;
  • Lutter contre l’intérêt personnel : c’est le renoncement à l’idée de soi-même, c’est abandonner l’image d’une personne en devenir ;
  • Travailler sur la peur qui est le fondement de l’égo, la base de l’individualisation. La voir pleinement, permet de la comprendre jusqu’à ce qu’elle devienne un objet détaché, donc inoffensif ;
  • Identifier la peur de l’abandon, puis la peur de la mort sur laquelle se crée l’illusion d’existence : je suis ce que je génère ;
  • Harmoniser l’image que j’ai créée de moi, avec les fragments de moi-même que j’ai placé dans l’ombre, car ce que je projette sur mes perceptions est aussi fait de mes zones cachées et refoulées ;
  • Rassembler les paires d’opposées (attraction / répulsion, etc.). Apprendre à ne plus qualifier, ni juger ;
  • Pratique du lâcher-prise permanant. Comprendre l’acceptation, la disponibilité intérieure, l’abandon, en cassant les comportements compulsifs de résistance ;
  • Neutraliser les origines des traces négatives, d’où sont issues les attentes et les opinons limitantes en réparant les blessures du passé (rejet, abandon, humiliation, trahison, injustice). Dissoudre alors ses croyances négatives ou les changer en croyances positives ;
  • Observer ses attentes, ses intentions, ses comportements, ses états intérieurs et rester en contact avec, mais sans identification. Mise en place de « l’observateur intérieur » afin de se comprendre soi-même à travers ses mécanismes ;
  • Anéantir ses désirs par leur transmutation ;
  • Se débarrasser des étiquettes du connu, des idéaux, se libérer de ses conditionnements familiaux ou sociaux, car comprendre c’est ne pas savoir ;
  • Comprendre l’incomplétude supposée et le besoin de complétude : manques et recherche (amour, reconnaissance, sécurité) ;
  • Transformer ses attachements en non-attachement ;
  • Ressentir la présence corporelle et l’énergie universelle, en utilisant son ressenti comme une ressource ;
  • Pratiquer des techniques de relaxation dynamique : pranayama, respiration consciente, gymnastique consciente… ;
  • Combattre l’intérêt personnel en renonçant à la prétention « d’être quelqu’un » ;
  • Travailler sur l’attention, la concentration, l’écoute intérieure de la Présence et du silence. Ressentir la toile de fond, ou l’arrière plan du « témoin neutre » en nous. Apprendre à diriger son attention en un, ou même plusieurs faisceaux perceptifs ;
  • Apprendre à s’aimer soi-même, à s’accepter totalement pour pouvoir aimer les autres ;
  • Apprendre à avoir confiance en la Vie et apprendre à se connaître ;
  • Apprendre à ne plus faire d’effort (le faiseur d’effort en nous est la volonté) ;
  • Pratiquer l’investigation du « sens du JE » : si je peux me regarder penser, c’est que je vais au-delà du mental : alors qui suis-je ?
  • Travailler sur les états du moi : devenir le chef d’orchestre de nos voix intérieures ;
  • Pratiquer la voie du cœur : apprendre à aimer, installer un sentiment d’abnégation, se rendre disponible pour autrui, le sens du service et l’action désintéressée. Cultiver le goût des autres par la compassion, le recueillement intérieur et l’écoute de son prochain : l’écoute est inconnaissance ;
  • Travailler sur la discrimination des intentions, la non qualification de ses perceptions, car c’est en devenant conscient de nos perceptions, que nous nous situons automatiquement au-delà ;
  • Sécuriser, explorer son corps et sa conscience corporelle. Travailler le lâcher-prise corporel. Pratiquer la saturation des sens et de la conscience par des approches non mentales ;
  • Unifier les polarités masculine et féminine par le renforcement de la présence à soi-même. Fusionner l’énergie de ces deux principes dans une dimension sacrée, au-delà des blocages personnels et des traumatismes des âmes collectives de chacune des polarités ;
  • Transcender les 7 sens pour se comprendre en tant qu’illusion (les 5 sens, plus le sens d’identification au corps et le sens d’identification au mental) ;
  • Désirer le bien absolu pour soi et les autres : comprendre les lois universelles d’évolution, d’amour, de retours d’intentions ;
  • Rechercher l’union avec l’environnement, la nature, pour faire s’écrouler le rempart entre le corps et l’esprit ;
  • Comprendre ce qu’est notre volonté et apprendre à vivre sans attentes en observant nos motivations ;
  • Appréhender la notion de causalité et admettre que seule l’identification à nos réactions est responsable de ce qui nous arrive. Commencer ainsi à agir pour ne plus réagir, car nous créons la croix du destin que nous portons ensuite ;
  • Admettre notre impuissance devant les circonstances et accepter la sécurité dans l’insécurité ;
  • Apprendre à investir le néant pour y appréhender la pleine dimension de la Conscience ;
  • Utiliser toutes ses activités quotidiennes pour devenir de plus en plus conscient, grâce à l’attention active ;
  • Faire son devoir en toutes circonstances, assumer ses responsabilités et agir en paix sans jamais rechercher les fruits de l’action. Comprendre que le moindre mouvement du « moi » est déjà une forme de violence… Respecter scrupuleusement toutes les lois de son pays ;
  • Comprendre que toute chose est la manifestation du Divin à travers l’expression de Sa joie.

Le but de l’existence en nous, c’est que nous puissions émettre de l’Amour inconditionnel, tout simplement parce que nous sommes la Vie. Et la Vie se manifeste par l’expression de la joie de la Conscience Universelle. Exister, c’est veiller son existence, c’est être dans la vigilance de la présence, tournée vers son intériorité plutôt qu’en surface, simple question d’intention et d’attention !

Or la plupart des individus n’existent pas vraiment : ils croient vivre. Mais ils vivent dans « le devenir », dans leurs attentes du « devenir ». L’individu se rend malheureux lui-même en n’acceptant pas « ce qui EST », en projetant ses attentes sur ce qui est, en utilisant sa volonté pour tenter des satisfaire ses attentes. Et il se crée une identité factice, celle qui colle sur la mémoire les étiquettes mentales des réactions émotionnelles, des croyances et des conditionnements. Notre vraie liberté nécessite d’abord de ne plus vouloir que l’autre se plie à nos attentes.

Renoncer à la souffrance, c’est donc renoncer à la volition, car celle-ci est basée sur la peur, elle-même issue de l’illusion de la séparation. L’ignorance est une erreur d’identité, le « moi » étant dans l’illusion d’être une entité séparée. C’est le péché originel, à la base de tous les désordres, de tous les conflits individuels ou collectifs… En fait, nous sommes la Conscience Universelle qui s’exprime dans une forme physique particulière et sur laquelle nos réactions sont projetées. L’erreur est de croire que nous sommes nos réactions, alors que nous sommes cet océan infini de Conscience et d’Amour.

La volonté individuelle est une prison, un rempart de fausse sécurité qui prive celui qui l’érige de sa dimension Universelle. L’individu s’est construit par besoin sécuritaire et pour survivre au manque d’amour qu’il a ressenti au moment de son incarnation. Dans le processus parfait qui nous engendre, ces stratégies de développement individuel n’ont de sens que dans l’éclosion de la diversité. C’est-à-dire dans le fait que chaque individu développe des caractéristiques propres en transcendant ses limites. Ainsi, le tableau Divin exprime la diversité dans l’unité. Nous sommes de la même pâte, de la même texture de gouache, mais nous développons chacun un pigment spécifique qui fait la diversité de la peinture Divine.

Quand notre soif de l’absolu s’amplifie au-delà du désir, nous pouvons alors terrasser notre peur de mourir, et anéantir sous la lumière sacrée de la Conscience Infinie, la racine de l’ego devenue offrande sacrificielle de notre illusoire existence. La réalité Divine s’offre à nous dans la beauté infinie de l’amour spontané, dès que nous pouvons appréhender nos perceptions sans les qualifier, sans vouloir les posséder ni les utiliser, sans les colorer par l’égoïsme de nos intentions cachées, dans un regard enfin vierge de tout intérêt individuel. Si je peux m’observer percevoir, alors qui-suis-je ? Et comment ne plus résister à rien, comment s’abandonner à ce qui est, comment s’offrir à l’Universel, comment « faire disparaitre » le chercheur ? Tout simplement en étant Ce Regard, sans personne pour regarder.

On ne peut rien posséder, car au bout du compte il n’y a personne pour posséder quoi que ce soit…

Libérer l’individu, c'est apprendre à vivre sans besoins psychologiques, par l’effacement de la revendication individuelle et l’acceptation de ce qui EST, car nous sommes ce que l’on cherche…
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mercredi 25 février 2009

Published mercredi, février 25, 2009 by with 0 comment

Se comprendre pour se vivre

Cette réflexion, fruit d’une compréhension, mène au lâcher-prise des notions de recherche et de spiritualité. Il n’est pas question d’une théorie de plus, mais plutôt d’une démarche individuelle visant à sortir de nos croyances par l’intelligence et la réflexion.

Se comprendre pour se vivre signifie : comprendre ce que nous ne sommes pas pour vivre ce que nous sommes.

Pour plusieurs raisons, il est impossible de décrire ce que nous sommes :

Tout d’abord, parce qu’il s’agit d’une sensation de soi toute personnelle.

Ensuite, si nous pouvions définir ce que nous sommes, cela signifierait que nous en aurions déjà connaissance. Au cours de cette présentation nous comprendrons que le savoir nous relie irrémédiablement au passé, ce qui, par conséquent, nous empêche de vivre notre monde avec un regard constamment neuf.

S’il était possible de définir ce que nous sommes vraiment, le désir ou la volonté d’atteindre cet état spécifique, relèverait d’une croyance qui nous demanderait d’adopter des comportements préétablis. Cette définition étoufferait d’emblée la sensation de soi. Pour ces raisons il est évident que toutes les méthodes spirituelles, philosophiques et psychologiques mènent toujours à une définition ou à l’application d’un concept que l’on s’imposerait lorsqu’il s’agit de vivre la sensation de soi.

Nous entamerons la partie « se comprendre » pour se vivre, par une question simple que nous nous sommes probablement déjà posée :

Qu’est ce qui nous rend la vie parfois si pénible, qui nous fait entrer dans le conflit, dans la dépression, dans la maladie, dans la souffrance, dans la passion… ? Posée autrement cette même question peut nous sembler plus embarrassante, car elle vient toucher nos croyances de plein fouet : Qu’est ce qui nous pousse à courir après la paix, l’harmonie, la santé, le bonheur, l’amour inconditionnel… ?

Notre existence étant entièrement basée sur notre passé nous imaginons, en comparaison avec ce que nous connaissons du monde, un paradis terrestre ou un état intérieur parfait. Ces projections merveilleuses émanent d’une attente issue d’une comparaison entre ce que nous croyons être et ce que nous voudrions être. Par le désir d’autre chose que soi, nous entrons en conflit avec le monde intérieur et extérieur.

La comparaison, la séparation et le conflit naissent de nos croyances, c’est-à-dire de notre passé. Sur base de ce passé, nous nous sommes construit une identité à partir de laquelle nous inventons le monde constamment.

Lorsque nous sortons de la constatation de la globalité, nous sommes dans notre passé. J’entends par globalité, tout ce qui est, tout ce que nous sommes sans séparation entre l’intérieur et l’extérieur, entre soi et l’autre. Que je regarde le monde extérieur ou que je vive une sensation intérieure, je perçois toujours la même chose, c’est-à-dire ce que je suis.

Si nous ne vivons pas cette globalité, nous ne pouvons qu’interpréter le monde à partir de notre passé, en comparant tout ce qui compose l’extérieur et en nous séparant non seulement de nous-mêmes mais également des autres. Jusqu’à présent aucune théorie politique ou spirituelle n’a réussi à résoudre ce conflit fondamental entre soi et l’autre. Aucune doctrine ne nous invite réellement à vivre la globalité, car la spiritualité - tout comme la politique - repose sur des croyances fondatrices que sont la liberté, la fraternité, l’amour, la compassion…

Pour sortir de notre passé, synonyme de croyances, il est nécessaire de comprendre de quelle manière nous envisageons notre existence autour d’événements. Comment nous considérons ces événements à partir de notre passé tout en continuant à l’alimenter par nos interprétations.

Je nous suggère de lire les propos qui suivent à partir de notre intelligence et pas, comme nous avons tendance à le faire, à partir de nos concepts, ni en cherchant à savoir si les propos tenus correspondent ou non à nos croyances ou à ce que nous avons lu, entendu ou expérimenté précédemment. Soyons juste à l’écoute, sans interférences, et ressentons ce qui se passe en nous. Car comprendre sans interférer, c’est tout autre chose que juste acquiescer, comparer ou réfuter.

Qu’est ce que notre passé ? Comment influence-t-il l’idée que nous nous faisons du présent, et par conséquent du futur ? Comment le passé nous déconnecte-t-il de ce que nous sommes ?

Ce que nous sommes est globalité. Cette globalité ne fait plus de distinction entre l’intérieur et l’extérieur, entre le cœur, le corps et le mental, entre le profane et le sacré… Vivre cette globalité exclut toute intervention de notre passé.

Habituellement, nous interprétons le monde en créant une multitude d’événements à partir de pensées qui prennent leur source dans ce que nous avons emmagasiné comme connaissances, nous appartenant ou non, ce qui revient en définitive à la même chose. Nous comparons ce que nous percevons avec notre passé, c’est-à-dire avec l’accumulation de tout ce que nous avons comparé et retenu d’événements précédents. En d’autres termes, sur la base d’événements passés, nous créons de nouveaux événements qui nous remplissent de nouvelles croyances ou du moins renforcent les anciennes.

Les événements de nos existences ne sont en définitive qu’une interprétation résultant de notre passé. Ainsi, créer un événement, c’est ajouter quelque chose à la réalité. A ce moment, nous sortons de notre globalité pour entrer dans l’illusion.

Par exemple, devant un paysage notre première réaction est généralement d’interpréter ce que nous voyons ; ce qui nous empêche de le vivre. Nos premières réactions sont souvent : c’est beau, c’est laid, ce lieu s’appelle ainsi, je connais, je l’ai déjà vu… Dès lors, percevons-nous ce paysage comme faisant partie de notre globalité ou faisons-nous l’expérience du concept « beau », c’est-à-dire de la comparaison de ce que nous voyons avec les souvenirs que nous avons emmagasinés ? Ne sommes-nous pas simplement dans notre pensée qui catalogue la réalité en fonction du beau et du laid, du moyennement beau et du très laid ? Ainsi, comparer un paysage à un autre, un humain à un autre, un animal à un autre, un végétal à un autre… nous pousse constamment dans le déni de notre globalité.

Nous qualifions un événement en nous basant sur notre passé qui donne naissance à la pensée conflictuelle qui nous entraine dans des combats incessants avec ce que nous sommes.

Pour expliquer l’idée de la pensée conflictuelle, arrêtons-nous un instant à ce que nous appelons la guerre, qui n’est que l’expression la plus meurtrière du conflit, pour nous rendre compte qu’elle n’est qu’une question de dualité et d’identité, c’est-à-dire d’idéaux, de croyances, de justifications, d’interprétations…

La guerre est uniquement le reflet de nos conflits intérieurs. Elle se manifeste dans tous nos comportements et pas uniquement avec des armes lourdes, mais avec des mots, des gestes, des regards, des concepts, des croyances. La guerre est un conflit entre deux croyances, entre deux interprétations, entre deux appartenances politiques ou religieuses qui nous font considérer l’autre comme différent de soi.

Nous nous identifions en tant qu’homme ou femme, blanc ou noir, grand ou petit, généreux ou égoïste, adepte d’une religion, d’un parti politique, victime d’une situation, comme étant dans la vérité et sous la protection de dieu ou par une nationalité… Le simple fait de se définir crée déjà une séparation, un conflit, c’est-à-dire un événement.

Si un jour, notre voisin d’en face nous adresse une parole estimée diffamatoire, donc qui agresse une de nos croyances, nous entrons en conflit. Nous pourrions l’insulter, le frapper, le poursuivre en justice, voire sortir les armes. En restant obnubilé par les événements et leurs interprétations, nous entrons dans une guerre où le voisin de mon voisin d’en face, qui partagent des mêmes croyances, s’unissent contre moi et mon voisin d’à coté qui partageons d’autres croyances. Le conflit entrainant le conflit, la machine dévastatrice de la pensée conflictuelle est en marche.

Souvent nous arrêtons les conflits soit par manque de moyens humains ou matériels, soit en signant une paix qui n’est que le revers de la médaille de la guerre.

Dans ces deux cas, la situation reste inchangée. La paix n’arrête pas les conflits, elle les camouffle simplement. Avec la paix, la problématique conflictuelle est toujours bien présente, car nous n’avons pas reconnu nos croyances, c’est-à-dire notre identité. Ainsi la paix est un concept au même titre que la guerre.

Le fait que la paix et la guerre n’apportent aucune compréhension et donc aucun changement dans nos croyances soulève la question du comment en sortir ? Comment se vivre si nous ne pouvons pas prendre appui sur l’aspect positif de nos qualités ?

La manière d’aborder nos problèmes nous amène généralement dans une voie sans issue, que ce soit un conflit intérieur, révélé par exemple par un dégout de soi, ou un conflit extérieur, révélé par exemple par l’échec d’une relation amoureuse.

Nous tentons toujours de justifier nos actes. « Je le quitte parce qu’il m’a dit que j’étais égoïste, lorsque lui-même est macho », « Le fait qu’il soit venu avec son avocat m’a fait entrer dans une grosse colère et j’en ai tout de suite pris un aussi », « Je ne m’aime pas parce que je ne suis pas assez altruiste ou parce que mes fesses sont trop… ». Cette justification appelle à des réactions qui ne tiennent pas compte de la globalité de la situation. Il en va de même dans les guerres, entres adeptes de religions ou de politiques différentes. Sous prétexte d’obtenir réparation, nous justifions une vengeance, qui entrainera inévitablement un nouvel appel à la vengeance. Et bien souvent, au bout du compte, plus personne ne connait les raisons exactes du conflit, car la haine et la vengeance ont pris le dessus et suffisent pour justifier nos actes.

Dans toutes situations conflictuelles, ne serait-il pas plus simple de reconnaître nos émotions sans chercher à les justifier et donc à nous déresponsabiliser. Pour in fine, se rendre compte que la douleur d’une mère, d’un père, d’une sœur… est la même pour tous les êtres humains, que les belligérants vivent des souffrances identiques, même s’ils les justifient différemment à partir d’une futile identité religieuse ou politique. Dans le cas d’une séparation amoureuse, plutôt que d’entrer en conflit, ne serait-il pas plus simple de reconnaitre un sentiment de tristesse basé sur l’espérance déçue d’une vie heureuse, d’une peur de la solitude ?

Cette perspective qui nous invite à se vivre, est-elle empreinte d’amour, d’unité… ou simplement de ce que nous sommes, sans séparation identitaire avec l’autre ? Autrement dit, avons-nous besoin de contacter nos qualités ou aurions-nous simplement à prendre conscience de nos pensées, de nos émotions, de nos faits et gestes ?

Pour éviter de nous regarder sans détours et sans jugements, juste tels que nous sommes dans notre vie quotidienne, nous avons inventé « la spiritualité », « la recherche », « le retour à la source »…

Maintenant que nous avons effleuré la question générale des croyances, nous allons voir pourquoi les êtres engagés dans la spiritualité souffrent plus que les autres. En effet, ils ont beaucoup plus de croyances et donc plus de difficultés à les lâcher.

La spiritualité est un autre piège de la pensée. Elle vise seulement à expérimenter ce que nous ne sommes pas. Le monde de la spiritualité, religieuse ou new-age, est toujours lié à des concepts qui n’existent que parce que nous ne vivons pas ce que nous sommes et surtout, parce que nous comparons notre état actuel avec un état imaginaire de perfection ou de divin.

Au cours des siècles les dogmes spirituels n’ont pas changé. Ils se basent toujours sur les mêmes concepts et par conséquent, nous imposent des comportements similaires qui nous déconnectent de la globalité.

Dans la spiritualité, nous rencontrons fréquemment les mêmes termes : la source et les maîtres, le cœur et l’incarnation, la vie et le karma, le soi divin et l’amour, les énergies et les vibrations, la compassion et la paix intérieure, le bien et le mal, l’instant présent, les chakras…

Issus de notre pensée, tous ces concepts sont imaginaires et par conséquent inaccessibles. Dans ce texte, j’évoquerais trois concepts clés de la spiritualité : l’éveil, l’instant présent et l’amour. A eux seuls, ils peuvent expliquer pourquoi la spiritualité nous entraine dans une détresse.

L’éveil est l’objectif commun des chercheurs spirituels. Ce seul concept d’éveil suffit à dévaster nos existences en nous déconnectant de ce que nous sommes. L’idée véhiculée par la notion d’éveil instille la perspective d’un état de perfection, d’une ultime compréhension, de l’excellence de nos qualités. L’éveil serait cet état où notre part d’ombre disparaitrait complètement au profit de notre lumière intérieure. Le danger de cette croyance est qu’elle nous garde dans un conflit permanent avec ce que nous ressentons. Nos émotions sont des leviers de compréhension lorsqu’elles ne sont pas étouffées par la spiritualité, l’interprétation ou la justification.

A partir d’un ressenti considéré comme négatif, nous installons très rapidement une qualité considérée comme positive. Nous avons souvent tendance à camoufler une colère sous une apparence de joie ou d’amour inconditionnel. Pour y arriver nous pensons qu’un soin énergétique, une méditation ou une gymnastique orientale… peuvent nous aider. Cependant, après ces diverses pratiques, pouvons-nous constater qu’en dehors d’une apparence de bien-être que l’on attribue à la reconnexion avec notre identité spirituelle, rien n’a fondamentalement changé ? Ce jeu peut durer jusqu’au jour ou nous réalisons que nous sommes passés à coté de ce que nous sommes par la volonté d’atteindre un état prédéfinit.

En nous déviant de notre capacité de nous comprendre, la spiritualité nous entraine dans la culpabilité et l’attente. Elle impose une vérité : « prête à croire » qui, par définition, ne peut en aucun cas nous convenir. Si elle devait néanmoins nous convenir, c’est que nous aurions fait une croix sur notre liberté et notre intelligence.

Comme tous les dogmes religieux ou politiques, la spiritualité a la principale tare de nous empêcher de penser par nous-mêmes, par conséquent de vivre ce que nous sommes en laissant émerger nos sensations sans les penser, c’est-à-dire sans croyance, sans définition.

Il existe également le concept du vide qui précède l’éveil : le fameux saut dans le vide, le lâcher-prise absolu avant la rencontre avec notre essence divine. Ce que nous sommes n’est pourtant ni vide ni plein, ni rien ni tout. Comment expérimenter le vide sans connaître le tout ? Avec la notion du vide précédent l’éveil, n’inventons-nous pas un prétexte afin de ne pas affronter nos croyances par une compréhension personnelle qui pourrait nous bouleverser ? Nous camouflons la peur de ce bouleversement sous des prétextes comme : attendre le bon moment, une avancé spirituelle individuelle ou collective, un signe, un voyage initiatique…

Un autre aspect pernicieux de la spiritualité est celui de nous maintenir dans le temps. En insinuant l’existence de l’instant présent, elle nous fige dans la pensée. Pouvons-nous réellement vivre l’instant présent sans la notion de temps, de passé et de futur ? Cet instant présent n’est-il pas encore une fuite vers un état conceptuel auquel nous devrions constamment revenir par la pensée ?

Le concept spirituel le plus résistant, après l’existence de dieu ou d’une énergie créatrice, est celui de l’amour (voir Traité de soi, Perversité de l’amour). Mais cet amour, que nous sommes si nombreux à évoquer, peut-il vraiment être un concept ? Oui. Il suffit de penser à l’amour pour l’expérimenter. Il suffit de fuir une émotion de tristesse au profit de l’amour pour se sentir mieux. La pensée crée l’état, l’expérience. Si nous focalisons notre attention sur, par exemple, un mal de tête, quelques minutes suffisent pour effectivement le ressentir. Il en est de même si nous nous focalisons sur l’amour.

Cette expérience, issue de notre pensée, nous a-t-elle réellement transformés ? Evidemment non, car c’est simplement la non-reconnaissance d’une émotion ou d’une croyance qui nous fait nous réfugier dans le concept amour.

En plus des concepts d’éveil et d’instant présent, la spiritualité nous parle d’unité et de paix lorsqu’il suffit de comprendre – individuellement - les fondements de nos conflits avec l’autre. Elle nous parle d’énergies et de vibrations, de plans et de dimensions, d’anges et d’êtres de lumière, d’une terre mère et d’un père divin, de matière et d’éther, de protection et de bienveillance venues d’en-haut… Avec tous ces concepts, nous nous délions de ce que nous sommes lorsque nous ne savons pas ce qu’est vivre sans la séparation spirituelle du cœur, du corps et du mental.

Les théories et techniques spirituelles, nous apprennent à écouter un cœur, une source d’amour, à expérimenter une expansion de conscience, en étouffant un mental dont il faut absolument se séparer, car il serait notre principal obstacle… Nous empilons toutes ces idées spirituelles dans notre impossible quête. Lorsque nous sommes enfants nos parents nous narrent l’histoire merveilleuse du père Noël, et lorsque nous sommes grands nous continuons à croire en d’autres histoires racontées par des enseignants spirituels ou des éminences politiques.

Que nous reste-t-il si l’ensemble de la spiritualité est conceptuel ? Il reste soi, cette globalité qui ne nécessite, par évidence, aucune définition ni aucune histoire extraordinaire. Ce que nous sommes n’est accessible que par la compréhension de ce que nous ne somme pas et pour cela, toute la spiritualité qui ne fait que définir des concepts, ne peut pas nous aider.

Si la spiritualité est une grande illusion, comment sortir de la pensée conflictuelle ?

Paradoxalement par la pensée elle-même, car seule la pensée peut comprendre la pensée. Le mental ne connait pas la clef de notre libération, il en est la clé. Il ne s’agit pas de trouver une vérité absolue mais bien sa propre vérité. Une vérité qui correspond à ce que nous sommes et qui nous permet de comprendre comment nous fonctionnons par la pensée. Comprendre comment nos croyances provoquent des réactions, plutôt que des actions qui, elles, seraient l’expression libre de ce que nous sommes.

Il n’est donc pas question d’adopter de nouvelles propositions spirituelles qui viendraient remplacer ou renforcer une croyance existante. Il ne s’agit pas non plus de se comprendre à partir de nos croyances, car dans ce cas, nous partirions sur du connu (notre mémoire, notre passé, nos souvenirs, c’est-à-dire ce qui n’existe plus), ce qui nous empêcherait de voir l’évidence d’une compréhension qui nous ramène à soi.

Il est également impératif de sortir des techniques, des rituels et de la notion de chercheur qui n’ont pour seul objectif que d’expérimenter des concepts. Nous n’avons pas à trouver un état spécifique mais à vivre nos émotions même si elles peuvent sembler, au regard de notre conditionnement social ou spirituel, peu reluisantes, manquant de sagesse, de noblesse ou de divin…

Pour sortir de la pensée nous n’avons qu’à vivre nos émotions lorsqu’elles se présentent, sans les définir, sans fuir dans la justification ou l’interprétation de notre passé ou de nos présumées vies antérieures. Nous accusons les autres et les événements d’être la cause de nos souffrances, de nos déceptions… Ces accusations placent notre responsabilité à l’extérieur de nous (mon père m’a menti, ma grand-mère ne m’aime pas, je porte un secret familial trop lourd, mon mari me trompe, la société me manipule, la pluie me dérange, le chien du voisin m’énerve…).

Si se comprendre pour se vivre est une démarche qui semble simple, cela s’avère parfois difficile. En effet, lâcher nos croyances, qui sont le fondement de nos existences, est une expérience inédite que nous ne pouvons pas envisager aisément. En voici les raisons majeures :

- Nous avons pris l’habitude socialement et spirituellement de remplacer une croyance par une autre. Nous passons du communisme au fascisme ou du socialisme au libéralisme à partir de l’interprétation que nous nous faisons de la politique et en fonction de nos attentes extérieures. Il en va de même pour la spiritualité, nous passons d’un thérapeute à l’autre, d’une technique à l’autre, d’une promesse à l’autre parce que nous n’y trouvons pas ce que nous attendons. Comme en politique, la machine des nouveaux concepts est très lucrative car elle répond à une demande de bonheur qui viendrait de l’extérieur.

- Nous cherchons constamment à l’extérieur quelque chose que nous ne trouverons pas davantage à l’intérieur.

- Il n’est également pas aisé de concevoir que ce que nous sommes (notre globalité) ne peut être défini. Dès que nous croyons connaitre un état de conscience de soi, nous ne faisons que reconnaitre une croyance. Dès lors, nous cherchons par tous les moyens de retrouver cet état connu. Nous avons tellement l’habitude d’entreprendre une démarche pour obtenir un résultat, qu’envisager de se comprendre sans attente est inacceptable.

- Se comprendre passe souvent par une émotion dite négative comme une souffrance, un conflit. C’est au moment où nous tentons de fuir en remplaçant une émotion par une autre, que nous devons être le plus vigilants afin de ne pas chercher une solution plutôt que de vivre ce qui se passe en nous.

- La réflexion qui mène à la compréhension passe inévitablement par le mental. Le mental ou l’égo sont souvent mal considérés dans la spiritualité. Donnant la préférence aux expériences vécues à partir du cœur, notre tête serait un obstacle.

- Nous sommes constamment à la recherche d’autre chose que soi. Cette attente qui nous pousse vers l’extérieur est très répandue, autant dans la spiritualité que dans la vie sociale. Nous cherchons souvent une satisfaction immédiate censée nous soulager de nos émotions dérangeantes. En nous occupant des autres, en lisant des récits fabuleux, en priant ou en méditant nous faisons, plus au moins inconsciemment, l’impasse sur nos souffrances. Nous espérons changer les autres, la société et le monde afin qu’ils correspondent à notre croyance en un monde juste, équitable, paisible, libéré de la corruption et de la manipulation… Nous souhaitons des changements intérieurs ou extérieurs au lieu d’aller à la rencontre de ce qui crée en nous-mêmes ce monde injuste, inégal, en perpétuel conflit. Cette compulsion à vouloir changer le monde extérieur nous éloigne de ce que nous sommes. Se vivre exige de sortir de la fuite et de l’espoir. Se vivre demande d’écouter ses pensées, quelles qu’elles soient, de lâcher la notion du bien et du mal, de se libérer de l’attente d’une vérité ou d’un changement extérieur ou intérieur…

C’est pour ces raisons qu’une démarche sans techniques, ni vérités toutes faites, peut paraitre ardue. Nous n’avons pas l’habitude non seulement de reconnaître, mais d’écouter nos émotions. Il est plus rassurant d’inventer un concept pour s’y réfugier que de réaliser que nous sommes entièrement responsables de notre existence. Il n’est pas évident d’admettre que, tôt ou tard, nous devrons lâcher toutes nos connaissances, exception faite de la pensée pratique.

Si nous sommes capables de penser, nous sommes capables de nous vivre.

Voici les questions à se poser. Ai-je vraiment envie de vivre ou est-ce que je choisis encore d’alimenter mes pensées conflictuelles ? Est-ce que je fais le choix de la liberté ou est-ce que je préfère survivre au travers de concepts ?

Devenir des penseurs avertis et non plus des êtres soumis.

Nous pouvons devenir les penseurs avertis de notre existence en entrant dans une logique de compréhension. Lorsque nous comprenons que les racines du passé conditionnent notre existence, nous nous en libérons. Sans cela, nous entretenons notre malaise en nous focalisant sur autre chose que ce que nous vivons.

Se comprendre demande d’utiliser ce que nous partageons tous au-delà de nos apparentes différences culturelles, sociales ou philosophiques : l’émotion et la pensée. Il n’est plus question de qualités exceptionnelles, de niveau spirituel, d’intelligence littéraire ou scientifique. En d’autres mots, l’émotion et la pensée sont les racines de notre reliance, pour autant que nous les exprimions telles quelles, sans justification ou interprétation.

Cette intelligence nous mène en droite ligne à ce que nous sommes. Nous pouvons enfin sortir de la pensée conflictuelle, du temps, de nos croyances, de nos peurs, de nos doutes, de nos attentes… Cela procure une sensation de soi inexplicable, juste à vivre. Cette démarche ne s’arrête jamais, elle mène à une compréhension de soi de plus en plus profonde, à une reconnaissance de plus en plus affinée de notre ressenti.

Se comprendre pour se vivre mène inéluctablement l’être humain à sa globalité par la compréhension de ce qu’il n’est pas, c’est finalement réaliser l’évidence que tout est soi. Avec notre intelligence nous sortons du conflit intérieur et extérieur, pour enfin réaliser l’envergure de l’être l’humain conscient de ce qu’il est.

Fraternellement,
Olivier
conscienceducoeur@belgacom.net
www.conscienceducoeur.tk



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Published mercredi, février 25, 2009 by with 0 comment

Il est Lui

O combien est magnifique Ton visage ! Que de timidité se cache dans ce regard!
Une fois dévoilée Ta contenance,
Comment être intime avec autre que Toi (Hu).

Nous ne désirons que Toi; ne prononçons que Ton nom:
Nous ne contemplons que l'Unique, n'exprimons que l'Unique, ne sollicitons que l'Unique.
Sur Ton chemin, corps et âme abandonnés,
Ne pouvant ni être offensé, ni nous détourner de Toi.

Nous embrassons Ta grâce comme Ta colère:
Pour nous, douce et plaisante est Ta rigueur.
Sur l'ardoise du cœur, nous avons effacé toute trace du ‘Moi',
Et inscris à sa place, ‘Lui'.

Par la grâce de Ton amour nous avons abandonné l'existence même, et maintenant
Assis paisiblement, nous ne recherchons plus rien.
Peu importe que Tu nous donne la lumière, jour et nuit,
Mon invocation sera : Il est ‘Lui'.


Ecrit par Dr. Nurbakhsh
Traduit du magazine SUFI 37
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Qu'est-ce que le soufisme?

Qu'est-ce que le soufisme?

Introduction

L'essence du soufisme est la Vérité, la définition du soufisme est l'expérience et la réalisation désintéressée de la Vérité.

La pratique du soufisme: la méthode du soufisme est l'intention et la détermination d'aller vers la Vérité par les moyens de l'amour et de la dévotion. Cette pratique a pour nom la Tariqa, la voie spirituelle ou le chemin vers Dieu.

Qu'est-ce qu'un soufi ? Le soufi est l'amoureux de la Vérité; c'est celui qui par les moyens de l'amour et de la dévotion va vers la Perfection dont tout le monde réellement est en quête. Comme le nécessite la jalousie de l'amour, le soufi est détaché de tout à l'exception de la Vérité Réelle. Pour cette raison, il est dit dans le soufisme que, "ceux qui sont intéressés par l'au-delà ne peuvent pas donner d'importance au monde matériel. De la même façon, ceux qui sont préoccupés par le monde matériel ne peuvent pas être intéressés par l'au-delà. Mais le soufi (à cause de la jalousie de l'amour) est incapable de s'occuper de l'un ou de l'autre de ces deux mondes."

Cette même idée est exprimée par Shebli qui disait "Celui qui meurt pour l'amour du monde matériel, meurt en hypocrite. Celui qui meurt pour l'amour de l'au-delà meurt en ascète. Mais celui qui meurt pour l'amour de la Vérité, meurt en soufi."

Le soufisme

Le soufisme est l'école de l'illumination intérieure. Le but du soufisme est la connaissance de la Vérité par une prise de conscience réelle du coeur et de l'esprit a travers l'illumination intérieure; et non par l'intermédiaire de théories et de raisonnements philosophiques ou rationnels.
Expliquer la Vérité est en effet une tache difficile. La portée limitée des mots ne peut jamais vraiment exprimer la perfection de l'Absolue, l'Infini. Ainsi, pour les hommes qui ne sont pas "parfaits", les mots sèment le doute, cependant:

Si on ne peut pas épuiser l'eau de l'océan,
on peut cependant y étancher sa soif.

Des sages ont écrit d'innombrables volumes et parlé sans fin de la Vérité, mais toujours est-il que leurs efforts n'ont pas abouti. Pour le soufi, les sages ne voient la perfection de l'Absolu que d'un point de vue limité; aussi ils ne voient qu'une partie de l'Absolu et non l'infini dans sa globalité. Il est en fait vrai que ce que les sages voient est juste; néanmoins ils ne voient qu'une partie de l'ensemble.

Ceci rappelle la fameuse histoire, contée par Roumi, à propos d'un groupe d'Hindous qui n'avaient jamais vu un éléphant de leur vie. Un jour, ils vinrent dans un lieu où se trouvait un éléphant. Dans l'obscurité complète, ils s'approchèrent de l'animal, chacun le définissant à sa manière. Plus tard, ils décrivirent ce qu'ils pensaient avoir perçu. Naturellement, leurs descriptions étaient différentes. Ceux qui avaient touché le pied de l'animal prétendaient qu'il était une colonne. D'autres le jugeaient d'après son oreille, semblable à un éventail, quelques-uns uns le jugeaient à sa trompe, et ainsi de suite. Chacune des descriptions, par rapport aux différentes parties que chacun avait touché était correcte. Cependant, quand il s'agissait de décrire correctement l'ensemble, leur conception était loin de la réalité. S'ils avaient eu une chandelle, les divergences d'opinions n'auraient pas émergé. La lumière de la chandelle aurait révélé la nature de l'éléphant.

C'est seulement par la lumière de la Voie spirituelle et la Voie mystique que la Vérité peut réellement se réaliser. Pour que l'individu soit réellement témoin de la perfection de l'Absolu, il doit voir avec la vue intérieure qui perçoit la réalité dans sa globalité. Ce témoignage se manifeste quand on devient parfait, c'est-à-dire quand on perd son existence partielle dans le Global.

Si l'on compare Dieu à l'océan et l'être humain à une goutte d'eau, on peut dire que le soufisme consiste à amener la goutte d'eau à l'océan. Tant que la goutte d'eau ne s'est pas abandonnée dans le fleuve ou l'océan, elle ne peut oublier sa condition de goutte; mais lorsqu'elle se fond dans l'océan, c'est avec les yeux de l'océan qu'elle contemplera l'océan.

Comment la réalisation de la perfection est-elle possible ?

L'homme est dominé par ses propres désirs et la peur. Ceux qui sont pris au piège de ces impulsions s'écartent de l'harmonie de la nature divine et deviennent malades. De cette maladie, il résulte des sentiments défectueux et par conséquent, les pensées et les perceptions deviennent incertaines. Ainsi, la foi aussi bien que l'individuelle connaissance de la Vérité s'écartent de la réalité.
Pour pouvoir aller vers la Perfection, l'individu doit d'abord changer sa façon négative de penser et transmuer ses passions et sa peur. Cela s'accomplit en s'harmonisant avec la nature divine. Cette voie d'harmonie (la voie spirituelle) est composée de pauvreté spirituelle, de dévotion, et du souvenir constant et désintéressé de Dieu. De cette manière, l'individu vient à percevoir la Vérité telle qu'elle est vraiment.

Ascétisme et abstinence dans le soufisme

Pour pouvoir traverser la voie, le soufi a besoin de la force qu'il tire d'une bonne alimentation. Il a été dit que tout ce que le soufi mange est transformé en qualités et en lumières. Cependant, la nourriture des autres, puisqu'elle va servir leurs propres désirs et leur inquiétude, ne fera que renforcer leurs affections égoïstes et les éloigner davantage de la Vérité. A ce propos Roumi a écrit:

Celui-ci mange et seulement l'avarice
et l'envie en résultent,
alors que celui-là mange et il n'en résulte
que la lumière de l'Unique.
Celui-ci mange et seulement l'impureté
en résulte, alors que celui-là mange
et tout devient la lumière de Dieu.

Il est alors clair que le soufisme n'est pas fondé sur des pratiques ascétiques telles que l'abstinence de la nourriture. Dans notre école, le voyageur sur la voie de Dieu est seulement conseillé de s'abstenir de manger quand il est malade ou atteint d'impulsions passionnelles. Dans ce cas le maître ou le guide spirituel l'autorise à s'abstenir de manger pour un laps de temps, et lui demande plutôt de se concentrer sur les pratiques spirituelles. De cette façon, l'excès est transmuté et l'être intérieur du voyageur devient harmonieux. Le derviche pourra ainsi continuer son ascension périlleuse vers l'Infini.

Certains philosophes versés dans la pratique hindoue croient que dans le jeune se trouve la force nécessaire a la purification de l'individu. Dans le soufisme, au contraire, l'abstinence seule ne suffit pas pour purifier l'individu. Il est vrai que l'ascétisme et l'abstinence donnent un certain état spirituel, et dans cet état, la perception que l'individu a pourrait être clarifiée. Mais nos passions pourraient être comparées à un dragon qui devient moins puissant pendant le jeune et qui, une fois repu, se ranime, devient plus puissant que jamais et cherche à satisfaire ses désirs.
Dans le soufisme, c'est au moyen de la Tariqa (la voie spirituelle) que les passions sont progressivement purifiées et transformées en attributs divins, jusqu'a ce que tout ce qui est propre au moi individuel disparaisse. Alors, tout ce qui reste est le Parfait, le moi divin. Au sein d'une entreprise si vaste et si précise, l'ascétisme et l'abstinence n'ont pratiquement aucune valeur.

La voie spirituelle

La Tariqa est le chemin, la voie par laquelle le soufi vient en harmonie avec la nature divine. Comme nous l'avons dit, cette voie comprend le "faqr" ou la pauvreté spirituelle, la dévotion et le souvenir continuel et désintéressé de Dieu, qui sont représentés par le Khirqa ou l'investiture honorifique du derviche.

La pauvreté spirituelle (faqr)

Ceci est à la fois le sentiment d'être imparfait et le besoin et l'aspiration à la perfection. Le Prophète Mohammed disait "mon honneur est la pauvreté spirituelle. Je l'emporte sur tous les autres envoyés de Dieu pour avoir été pourvu de la grâce de la pauvreté spirituelle". Et Dieu révéla au Prophète: "Dis: Ô Dieu, augmente ma vraie connaissance de Toi". (Le Coran: Ta. Ha; XX :114). Comme cette dernière phrase l'indique, bien que le Prophète soit pourvu de l'honneur de la prophétie, il était encore nécessaire qu'il se sente dans la pauvreté et le désir d'être plus proche de l'essence de Dieu.
L'investiture honorifique (khirqa).

Le Khirqa est le manteau d'honneur du derviche. Il symbolise la nature divine et ses attributs. Certains ont, par erreur, cru que le manteau en fait possède les propriétés relatives aux attributs divins et ont pensé qu'en portant ce manteau, l'on devient un saint. Cependant, le fait de porter un habit spirituel ne rend pas nécessairement spirituel; l'habit ne fait pas le moine. Un soufi porte ce qu'il veut ou ce qu'il aime tout en étant en parfaite harmonie avec ce qui est socialement accepté. Ali, le Premier Imam, disait: "Ne t'habille pas de telle sorte qu'on te montre du doigt, ne t'habille pas non plus de telle sorte qu'on t'humilie." Aussi ce n'est pas l'habit qui fait le soufi, ce sont plutôt ses actes et son état intérieur.

Repose-toi sur le trône du coeur,
et avec la pureté de tes actes,
soit un soufi.
-- Sa'di

Le manteau est tissé avec l'aiguille de la dévotion et le fil du souvenir permanent de Dieu. Celui ou celle qui veut être honoré de ce manteau doit, avec dévotion, se soumettre à un guide spirituel. La vraie dévotion attire le coeur de l'individu vers le Bien-Aimé. Ceci implique une attention continue à la Vérité Réelle et un constant effort d'abandon de soi. Ceci inclut l'indiscutable soumission à un guide spirituel.

Le guide par des moyens spirituels, pénètre dans la profondeur de l'âme du disciple, transmute ses mauvaises qualités et l'écarte des impuretés du monde de la pluralité. En d'autres termes, le guide prend l'aiguille de la dévotion des mains du disciple, et tisse le manteau du soufi avec le fil du souvenir permanent de Dieu. Ainsi par la grâce du manteau des Noms et des Attributs Divins, le disciple deviendra un homme parfait.

Souvenir perpétuel de Dieu (Dhikr).

L'unicité absolue possède des forces qui, par le canal de la divinité peuvent être mises à la disposition des êtres. Tout être, selon ses capacités, bénéficie de ces forces divines. En termes de mots, les manifestations de ces forces ou vérités sont exprimées par les noms divins. Comme par exemple: le Vivant (al-Hayy) signifiant que la vie universelle lui est subordonnée; et le Transcendant (al-Ali) signifiant que la force de l'univers lui appartient.

Les noms divins, dans le souvenir continuel et permanent de Dieu (le Dhikr) sont prescrits par le maître de la voie spirituelle, dans le but de préserver les disciples de la domination de l'ego, et des impulsions naturelles. Mais ce souvenir n'a de valeur que si tous les sens de l'individu viennent à se centrer totalement sur la Signification Réelle de ces différents noms. C'est seulement par une parfaite connaissance et l'amour de la Vérité de ces noms divins que l'attention portée sur le moi disparaît. Alors le moi devient purifié et embelli par les attributs divins.

A force de penser au Bien-Aimé et de m'imprégner de son souvenir,
Mon coeur a pris peu à peu Ses qualités sublimes.

C'est seulement de cette façon que la répétition des noms divins (litanie ou Dhikr) peut être appelée le souvenir désintéressé de Dieu.

Le disciple est pareil à une machine automatique dont l'énergie vient de la dévotion. Cette machine, avec l'aide précieuse du dhikr, transmute toutes les passions en attributs divins. Graduellement, le moi du disciple disparaît et fait place à la nature divine; alors le disciple peut maintenant recevoir l'investiture du soufi. Son coeur et son âme s'illuminent des caractères divins. A ce stade, le disciple est capable de participer à la fête spirituelle des soufis, qui a lieu dans la "Taverne de Ruine" (Kharâbât). Ceci est l'état spirituel de quelqu'un qui s'est lui même noyé dans Dieu (Fana). A cette station, le soufi perçoit directement les secrets de la Vérité Réelle. Comme il est dit dans le Coran, "seuls les purs peuvent saisir la Vérité Réelle." (le Coran: al-Waqehah, l'évènement; LVI : 79) Les purs en soufisme sont appelés les êtres parfaits.
Pour pouvoir montrer comment le souvenir de dieu (Dhikr) se pratique, prenons l'exemple de LA ILLAHA ILL ALLAH qui signifie: il n'y a aucune divinité à part Dieu Unique.
Le soufi s'assoit, soit les jambes croisées ou sur ses talons, la main droite placée dans la paume gauche et la main gauche sur le poignet droit. Dans ces positions, les mains et les jambes de l'individu forment un LA (non en arabe) symbolisant la non-existence du soufi devant son Bien-Aimé. Dans cette position le soufi doit renoncé à ce monde, à l'autre monde et à lui-même.
Le LA des bras commence à l'ombilic et continue jusqu'au cou du disciple. C'est comme une paire de ciseaux qui symbolise le détachement, l'absence de la tête, du soi, et le renoncement de la croyance dans l'attachement à l'existence limitée de l'individu.

Avec ILLAH (Dieu) le soufi incline la tête et la tourne vers la droite en un demi-cercle. Ceci est appelé l'arc de l'existence possible (Emkan). Ce mot symbolise la négation ou plutôt le renoncement à la croyance de tout ce qui n'est pas Dieu ou le monde d'Emkan. "Autre que Dieu" dans le soufisme signifie toute existence éphémère, limitée et possible; les êtres humains se préoccupent de ces existences possibles au lieu de l'éternel, celui qui englobe le nécessaire et l'Absolu-Réel de Dieu.

Alors, avec ILLALA, le soufi incline la tête et la tourne à gauche. Ceci est appelé l'arc de la nécessité (l'arc du Vodjube) et symbolise la réalité du nécessaire, la Réalité Absolue.

La Manifestation du Divin

Etant donné que les mots sont symboliques des objets, concepts et réalités, le soufi soutient que par une attention complète et continue à la signification et la réalité de son souvenir de Dieu, le souvenir constant et désintéressé, il peut se voir gratifié d'un des attributs divins.
Les soufis croient qu'il y a un attribut divin particulier qui domine l'être de chaque prophète et de chaque saint (Wali), de sorte qu'on pourrait dire que chacun d'eux est le réceptacle d'une théophanie particulière. Par exemple, les soufis considèrent Moise comme le symbole d'Alwiyat (supériorité ou aspect transcendant de la Réalité), à cause de la capacité qu'il avait de s'adresser directement à Dieu sans aucun intermédiaire. Dans le Coran, Dieu dit à Moise: "Ne crains rien car tu es le supérieur" (Le Coran: Ta.Ha.; XX : 68). Jésus est la manifestation de la prophétie. En effet, encore enfant, il s'écria, "Dieu me donna le Livre et me nomma son Envoyé". (Le Coran: Maryam, Marie; XIX : 30).

Tous ces prophètes incarnent l'Unité divine et la perfection, mais le Prophète Mohammed en est la manifestation suprême. Il est le symbole du Nom Supérieur (A'zam). Son nom est le plus glorifié de tous les noms divins, car englobant tous les noms. Ainsi Mohammed est l'incarnation spirituelle et la manifestation des noms divins. Mohammed lui-même disait: "La première création divine était ma lumière".

En outre, chaque prophète est la manifestation d'un seul attribut divin tandis que tous les attributs se retrouvent dans le nom le plus glorifié: le nom A'zam dont Mohammed était le symbole. En d'autres termes, Mohammed est la manifestation du Grand Nom. Aussi, du fait que sa manifestation inclut tous les noms, il vient hiérarchiquement avant toutes les créatures. Pour cette raison, il a dit ceci: "J'étais l'envoyé de Dieu lorsque Adam était encore entre l'eau et l'argile".

Sama

Si tu n'es pas avec le Bien-Aimé,
pourquoi ne le cherches-tu pas?
Et si tu arrives à ton Bien-Aimé,
pourquoi ne t'en réjouirais-tu pas ?

L'aspect musical et extatique du soufisme est appelé Sama. Le soufi, durant son transport spirituel donne son coeur au Bien-Aimé a travers des mots particuliers et souvent une musique spéciale et rythmique. Dans cet état, le soufi est pareil a un amoureux ivre qui n'a rien d'autre en mémoire que Dieu. Avec toutes ses facultés, il est attentif au Bien-Aimé, et il s'est totalement abandonné et s'est oublié lui-même.

Tous les disciples ne sont pas autorisés à s'engager dans le Sama. Le guide spirituel seul décide de l'opportunité d'une telle pratique. Ainsi il peut prescrire le Sama a titre de remède ou parfois l'interdire.

La Sainteté (Walayah)

Il a été dit plus haut que le soufisme cherche à former des hommes parfaits qui pourraient faire refléter les noms et les attributs divins. Dans le soufisme, l'Homme Parfait est aussi appelé un "Wali" (un saint), un mot qui signifie littéralement "ami sincère"; tous ceux qui avaient été des prophètes ont aussi été des saints. Le degré spirituel de sainteté est une station indiquant l'état intérieur de l'individu, alors que le rang de prophète reflète la mission de l'individu comme envoyé de Dieu.

La mission prophétique de Mohammed était à la fois la sainteté absolue et la prophétie. Ali, bien que n'étant pas un prophète a atteint la même sainteté absolue. Mohammed disait: "Ali et moi sommes de la même lumière" et Ali disait "D'un point de vue ésotérique, j'ai été avec tous les prophètes".

Pour les grands soufis, les saints comprennent les successeurs d'Ali dans son rôle politico-spirituel comme le premier des Imams Chiites. Parmi les saints il y a aussi les grands maîtres des ordres soufis qui ont suivi la voie ésotérique tracée par Ali.

Ces hommes de lumière se sont abreuvés chacun selon sa capacité à la fontaine de la Vérité parce qu'ils ne sont connus que de Dieu. Seul Dieu connaît vraiment leurs différents états spirituels. Dans l'une des traditions du Prophète (Hadith), Dieu dit: "Mes amis sont sous Mon étendard, nul autre que Moi ne les connaît".

La plupart des gens n'ont pas la patience nécessaire pour connaître les saints. De plus il faut savoir que le contenu ne peut jamais dominer le contenant. La vraie connaissance des saints vient du savoir qu'on a de la réalité à travers son propre être intérieur.

Une erreur assez commune à beaucoup de gens est de croire qu'en s'isolant on devient un saint. Cependant dans la voie du soufi, la voie de Mohammed et d'Ali, on doit vivre en société. S'isoler, loin du contact du monde n'a pas de valeur spirituelle durable.

Mohammed disait: "La foi d'un croyant ne se complète que lorsque mille hommes de droiture impeccable l'inculpent d'athéisme." Ce qu'il voulait dire c'est que la connaissance divine d'un croyant parfait est au-delà du niveau de l'entendement de la plupart des gens. Ceux qui entendent parler un tel homme parfait, étant donné qu'ils ne peuvent pas percevoir la vérité de ce qu'il dit, le prendrait pour un non croyant.
Un vrai croyant, un soufi, doit vivre dans la société, la servir et la conduire et être le véhicule à travers lequel la société reçoit la grâce divine. C'est pour cette raison que la concordance, l'adaptation et l'harmonie avec le milieu sont une des premières conditions de l'Homme Parfait.

La Purification et ses étapes

Les étapes de la purification sont:

1. Le moi vidé de lui-même (L'élimination ou Takliya)
2. Le moi éclairé (L'illumination ou Tajliya)
3. Le moi orné (L'ornementation ou Tahliya)
4. Le moi disparu (L'annihilation ou Fana)

Ces étapes apparaissent au cours du souvenir désintéressé de Dieu (Dhikr). La première étape, être vidé de son moi, implique le rejet des mauvaises qualités, les passions qui viennent du moi égoïste. La deuxième étape, celle du moi éclairé, implique le polissage du coeur et de l'ame de la croyance et de l'attachement au moi. Dans la troisième étape, l'être intérieur du disciple devient paré des attributs divins. Finalement, l'être intérieur du disciple devient complètement rempli des attributs de la Vérité-Réelle, dans la mesure ou il n'y a plus aucun signe de sa propre existence limitée. Cette quatrième étape est appelée " le moi disparu" (fana). Un poète soufi a dit:

J'ai pensé à toi si souvent
que je suis devenu toi.
Peu a peu tu t'es approché
et peu a peu moi j'ai disparu.

Le disciple a travers ces étapes de la purification, voyage a travers la voie intérieur, la voie spirituelle (Tariqa). Mais il (ou elle) peut faire ce voyage seulement en suivant les devoirs et obligations de l'Islam (Shari'a). Apres avoir traversé cette voie, le disciple devient un homme parfait et arrive au seuil de la Vérité (Haquiqa).Mohammed disait "la Shari'a forme ma parole, la Tariqa constitue ma pratique, et le Haquiqa n'est que mon état."

On pourrait considérer le voyage a travers le Haquiqa, a travers la Vérité, comme une formation dans l'Université Divine, la "Taverne de Ruine" (Kharabat). Dans ce réel centre d'études supérieures, il n'y a pas de professeurs, le seul guide de l'étudiant, c'est l'Amour absolu. Ici l'amour est le seul maître, le seul programme d'étude, mais aussi l'être intérieur de l'individu.
Avant son entrée dans cette Université un homme parfait pourrait encore être défini. Cependant, une fois dans la Réalité, il devient indéfinissable au-delà du monde des mots.

Vous trouvez la trace des pieds jusqu'au bord de l'Océan du Fana,
mais après on ne peut plus distinguer de traces dans l'Océan du La.
-- Roumi

Si vous lui demandez son nom, comme Bayazid, il répondra: "il y a longtemps que je l'ai perdu. Plus je le cherche, moins je le trouve".Si vous lui demandez sa religion, comme Roumi, il répondra:

La voie d'un amoureux
n'est pas dans la religion
l'église et l'état des amoureux
c'est Dieu.

Si vous lui demandez comment va-t-il ? Comme Bayazid, il répond: il n'y a que Dieu sous mon manteau.

S'il parle comme Hallaj, vous pourriez l'entendre chanter, Je suis la Vérité". (Ana'L-aqq).

De telles outrances ne peuvent vraiment venir que des hommes parfaits qui ont perdu leur moi et sont devenus la manifestation de la nature divine et des mystères divins, l'habitacle théophanique. Leur moi s'est envolé et seul Dieu est resté.

Ecrit par Dr Nurbakhsh

"Tout ce que je peux dire de l'Amour
me fait rougir de honte quand je tombe en Amour."
-- Roumi

Extrait d'un discours prononcé par Dr. Javad Nurbakhsh, Maître de l'ordre Nématollahi, à la Sorbonne de Paris, en 1963:


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Published mercredi, février 25, 2009 by with 0 comment

Ibn Arabî

Moheïddine Ibn ’Arabî (محي الدين ابن عربي), ou : Mohyiddîn Abu Bakr Mohammad Ibn Alî 'Ibn Arabî al-Hâtimî, plus connu sous son seul nom de Ibn ’Arabî, est né le 27 Ramadan 560 de l'Hégire (7 août 1165, Murcie dans le pays d'al-Andalûs - 1240, Damas). Appelé aussi « Cheikh al-Akbar » (« le plus grand maître », en arabe), il est un mystique, auteur de 846 ouvrages. Son œuvre aurait influencé Dante et Jean de la Croix[réf. nécessaire]. Dans ses poèmes il traite de l'amour, de la passion, de la beauté et de l'absence. Ne pas le confondre avec Abu Bakr Ibn al-Arabi

Sa vie

En 1179, il rencontre le philosophe Averroès à Cordoue. Cette rencontre avec le vieux philosophe marqua le jeune mystique (il n'a pas alors 14 ans). Ibn ’Arabî se forma lui-même aux théologies. Il acquit une science considérable par la lecture de différents maîtres.

En 1196 à Fès à 31 ans, il a la révélation du sceau de la sainteté muhammadienne. Il dit avoir reçu les Gemmes de la sagesse d'un trait, réveillé une nuit par Mahomet. La sagesse est représentée par une pierre dont la forme représente la Tradition ; alors que la pierre est la même pour tous, elle est taillée différemment selon les formes prophétiques dictées à Abraham, Jésus ou Mahomet.

En 1203, il commence les Conquêtes spirituelles mecquoises. À la Mecque, il écrit son ouvrage métaphysique majeur : les Illuminations de la Mecque (ou : Illuminations mecquoises : "Futûhât al Makkiyâ"). Il y décrit les aspects spirituels et métaphysiques du soufisme. Conjuguant une extrême rigueur dans la conception et un travail visionnaire, cet ouvrage vaut à Ibn ’Arabî son surnom de fils de Platon.

En 1223, il s'installe à Damas où il s'éteint en 1240.

Sa pensée

L'œuvre d'Ibn Arabi est le sommet du soufisme. Elle marque une date dans l'histoire de ce courant. Avant Ibn Arabi, le soufisme est une mystique imprégnée de la morale comme on peut le voir chez Muhâsibi, Abû Talib al-Makki et Abu Hamid al-Ghazali, c'est-à-dire une mystique pratique (sagesse et manuels pour une meilleure guidance de l'âme) et non pas intellectualiste. Après lui, c'est une théosophie complexe, la plus complète somme systématique de l'ésotérisme musulman et l'un des sommets de l'ésotérisme universel. Certains penseurs occidentaux (Guénon, Schuon) le considèrent comme une des expressions privilégiées de la "philosophia perennis". Selon Roger Deladrière, Ibn Arabi est l'auteur de "l'œuvre théologique, mystique et métaphysique la plus considérable qu'aucun homme ait jamais réalisé".

Cette œuvre immense - 846 ouvrages¹ répertoriés par O. Yahia dans son « Histoire et classification de l'œuvre d'Ibn Arabi » - traite de toutes les sciences religieuses islamiques ; celles de la Charia ou Loi exotérique (Coran, Sunna ou Tradition de Mahomet, droit), celles de la Haqîqa ou Vérité métaphysique et ésotérique, et celle de la Tarîqa, c’est-à-dire la voie spirituelle et initiatique menant à la "réalisation" de la Vérité ». Henry Corbin le considère comme « un des plus grands théosophes visionnaires de tous les temps ». L'œuvre est d'un abord difficile, car, malgré son étendue immense, elle est souvent rédigée dans un style elliptique et très concis qui appelle le commentaire.

Pour Ibn ’Arabî, la voie mystique n'est ni rationnelle ni irrationnelle : l'esprit s'échappe des limites de la matière. Contrairement à la philosophie, elle se situe hors du domaine de la raison. Ainsi, contrairement à la scission dessinée par Averroès entre foi et raison, la profondeur d'Ibn ’Arabî se situe dans la rencontre entre l'intelligence, l'amour et la connaissance. Ibn ’Arabî se situe intellectuellement dans la lignée de Al-Hallaj qu'il cite à de nombreuses reprises : il estime que les véritables fondements de la foi se trouvent dans la connaissance de la science des Lettres ('Ilm Al-Hurûf). Selon lui, la science du Coran réside dans les lettres placées en tête des sourates, une conception que l'islam doctrinal actuel, nie farouchement. Aussi l'œuvre d'Ibn ’Arabî demeure-t-elle marginalisée, aujourd'hui encore, par l'orthodoxie islamique.

Le « Trésor caché »

Cette notion renvoie au hadith (sentence de Mahomet) selon lequel Dieu a dit : "J’étais un trésor caché et j’ai aimé [ou voulu] à être connu. Alors j’ai créé les créatures afin d’être connu par elles" (Futuhat d'Ibn 'Arabi, II, p. 322, chap. 178). Dans ce hadith la volonté de Dieu d’être connu est véhiculée par le désir et l’amour : "Lorsque Dieu S’est connu Lui-même et a connu le monde par Lui-même, Il l’a créé selon Sa forme. Le monde fut donc un miroir dans lequel Il contemple Son image. Il n’a aimé, en réalité, que Lui-même" (Fut., II, p. 326) . Ce rapport de soi à soi se comprend par le fait que le monde tout entier, connu par Dieu dans Sa science éternelle, n’est que formes épiphaniques pour Sa manifestation (tajallî). En Se manifestant dans ces formes, Il Se connaît et Se contemple et aime la créature en S’aimant Lui-même. Voir aussi : Ibn 'Arabi, Traité de l’amour, p. 60: "Ainsi, l’objet de l’amour, sous tous ses aspects, est Dieu. L’Être Vrai en se connaissant Soi-même connaît le monde de Soi-même qu’Il manifeste selon Sa forme. Partant, le monde se trouve être un miroir pour Dieu dans lequel Il voit Sa forme. Il n’aime donc que Soi-même".

La « Wahdat al Wujûd »

La théorie de Wahdat al-Wujûd (Unicité de l'Être) a été systématisée pour la première fois par son disciple et beau-fils Sadr al-Dîn al-Qûnawî.

Ibn 'Arabi n'a pas dit expressément cette formule, mais il a laissé entendre dans plusieurs textes de son œuvre, notamment "Futûhât" et "Fusûs al-Hikam" que "la réalité de l'Être est unique" (Haqîqat al-Wujûd wâhida), et que Dieu est l'Être au sens absolu, le véritable Être, l'Être nécessaire (chez les philosophes) qui conditionne tous les êtres subordonnés et contingents, et n'est conditionné par aucun autre être. La notion de "Wahdat al-Wujûd" chez Ibn 'Arabi n'est que l'interprétation emphatique et hyperbolique de l'unicité (tawhîd), un pilier de l'islam.

En disant que Dieu est Unique (Wâhid) et qu'il n'est autre chose que l'Être dans son aspect inconditionné, on a voulu, à tort ou à raison, rapprocher cette théorie du Panthéisme de Spinoza. Or, la conception de ce dernier s'éloigne notablement de celle d'Ibn 'Arabi, dans la mesure où le panthéisme suppose l'unité de Dieu et de la Nature (Dieu est la Nature), alors que chez Ibn 'Arabi, Dieu n'est pas connu dans sa Réalité essentielle (Huwa, Allah), mais connu par le biais de Ses noms [divins], multiples et opposés, qui gèrent l'univers depuis sa création et jusqu'à sa déchéance. D'autre part, les noms divins se reflètent dans la création, ils ne s'y incorporent pas. La thématique du miroir de la création dans lequel Dieu se reflète par l'intermédiaire de Ses noms divins n'est pas le fruit du hasard, elle intervient pour interdire toute assimilation de l'essence divine avec la substance de la création. Henry Corbin parle à ce propos de théomonisme. On pourrait dire que, contrairement au panthéisme qui naturalise Dieu et l'absorbe dans l'immanence, le théomonisme d'Ibn Arabi divinise la nature tout en préservant la transcendance de Dieu et son unicité.

Les Noms divins

L'Imagination créatrice

L'imagination chez Ibn Arabi joue un rôle prépondérant, et Henry Corbin a été le premier commentateur d'Ibn Arabi à en parler amplement dans son ouvrage-référence (Voir infra : Bibliographie) l'Imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn Arabi. Ce livre représente une lecture philosophique à vocation phénoménologique pour explorer un thème central, jamais étudié jusque là. Ce thème est l’imagination qui a donné lieu à l’invention de plusieurs termes connexes comme "imaginal" et "le monde imaginal" ou mundus imaginalis.

Pour H. Corbin, la doctrine d’Ibn Arabi, qualifiée de théosophie (sagesse divine) ou d’herméneutique prophétique, se base sur un concept qui est la théophanie, présence de Dieu, ou sa manifestation dans le monde des phénomènes, et là l'imagination joue un rôle décisif de la perception de cette face divine dans les choses. Elle est une imagination "créatrice" dans la mesure où celui qui aperçoit Dieu, se voit créé en lui la science de cette divinité incarnée dans le monde. Tout est interprété à la lumière de la théophanie dont l’imagination représente l’organe de perception. H. Corbin dit : "L’imagination active est essentiellement l’organe des théophanies, parce qu’elle est l’organe de la création et que la création est essentiellement théophanie" (L'imagination créatrice, p. 148). H. Corbin place le cœur au centre de cette créativité, car il est le seul organe à pouvoir supporter la transmutation de par son changement subit et incessant : "Le cœur est le foyer où se concentre l’énergie spirituelle créatrice, c’est-à-dire théophanique, tandis que l’imagination en est l’organe" (Ibid., p. 83).

De ce point de vue, H. Corbin place l’imagination au centre de toute création et cogitation. Il n’y a pas de connaissance, ni de dévoilement, ni d’interprétation d’ailleurs sans l’imagination qui est, avant tout, créativité.

L'Homme parfait

L’homme chez Ibn 'Arabi est l’image parfaite de la création accomplie : "Qui t’a créé, puis modelé et constitué harmonieusement ? Il t’a façonné dans la forme qu’Il a voulue" (Coran, Sourate 82, verset 7-8). L’image extérieure de l’homme ressemble dans une certaine mesure au monde et à ses dimensions macrocosmiques. Ses facultés intérieures (l’intellect, l’imagination, etc.) ont une similitude avec les sphères supérieures. Cette ressemblance extérieure et intérieure est constamment évoquée dans plusieurs chapitres des Futûhât, ainsi que Mawâqi' al-Nujûm (le Couchant des étoiles) et Tadbîrât al-Ilâhiyya (Les dispositions divines). Avant Ibn 'Arabi, plusieurs philosophes, comme les Frères de la pureté (Ikhwan al-Safa) et Avicenne (Ibn Sînâ), ont systématisé dans leur métaphysique la face humaine de l’univers et l’aspect cosmologique de l’homme.

Ibn 'Arabi entend par l’homme un degré élevé et distingué, celui de l’homme parfait. La perfection humaine est liée à l’image divine qui procure les secrets ésotériques pour agir sur la créature . En outre, la présence de l’homme dans la créature contribue à la perfection de son image. L’homme parfait se distingue de l'homme ordinaire (Ibn 'Arabi dira l'homme-animal, du fait de la ressemblance anatomique et physiologique) par l’appropriation des Noms divins en ayant la volonté créatrice et le commandement du monde. Par ailleurs, L’homme parfait se distingue par l’énergie spirituelle ou l’aspiration (en arabe : himma) qui est son instrument de création. Elle représente, chez l’homme animal, le côté manuel dans ses fabrications et ses dispositions.

Outre l’appartenance à l'entité spirituelle, l’homme parfait se distingue aussi par la succession ou la lieutenance (Khilâfa) . Il est ainsi vicaire (khalîfa) et successeur (nâ'ib) par le fait qu’il maîtrise la totalité des noms et en étant une copie abrégée de la réalité cosmique et métaphysique. Ce verset nous enseigne cette vérité : "Et Il apprit à Adam tous les noms" (Coran, sourate 2, verset 31).

Si Dieu s’est qualifié de "trésor caché", c’est qu’Il est dérobé derrière la forme de l’homme parfait et se manifeste par sa théophanie dans cette forme parfaite. En étant le lieu épiphanique, l’homme parfait se connaît soi-même et connaît son Seigneur qui apparaît en lui, contrairement à l’homme animal qui connaît les réalités supérieures par l’intermédiaire de preuves cosmiques et de signes érigés dans le monde. La méditation de ces signes ne dépasse pas chez lui le seul effort spéculatif. L’homme parfait contemple plutôt ces signes en lui et extrait les perles du trésor caché dans son âme. Il associe ainsi la méditation et la contemplation.

Son influence

L'influence d'Ibn Arabi dans l'histoire de la spiritualité islamique est immense. Non seulement elle comprend l'école d'Ibn Arabi lui-même, mais elle s'étend à de nombreuses confréries soufies telles que la Chadhiliyya, la Khalwatiya, la Mawlawiya (les fameux Derviches tourneurs), la Tchichtiya, toujours vivantes aujourd'hui. Au delà du soufisme, les œuvres d'Ibn Arabi on été méditées et commentées par de nombreux mystiques et théosophes persans d'obédience chiite. Osman Yahia a recensé 130 commentaires perse des seuls Fosûs. Plus tard encore, son influence s'étendra encore lorsque se produira la jonction de cette école avec l'Ishraq de Sohrawardi et la théosophie chiite des Saints Imams (Haydar Amoli, Ibn Abi Jomhur, Molla Sadra Shirazi).

Malgré un aussi grand nombre d'adeptes et de défenseurs prestigieux aussi bien sunnites que chiites, elle fut l'objet de violentes critiques tout au long de l'histoire, de la part des théologiens orthodoxes (voir Ibn Taymiyyah) qui lui reprochent sa conception de l'unicité de l'être qu'ils assimilent à une forme de panthéisme. Aujourd'hui encore, Ibn ’Arabî est un auteur controversé dans l'islam. Ses approches exégétiques, sa conception du messianisme à travers la figure emblématique du Mahdi suscitent des polémiques. Il reste une référence pour les écoles soufies qui voient en lui l'héritier spirituel de Mahomet.

Notes

¹ Selon Corbin, « 856 ouvrages, dont 550 nous sont parvenus et sont attestés par 2917 manuscrits ».

Ses œuvres

C'est à l'Espagnol Miguel Asin Palacios que l'on doit la découverte des ouvrages d'Ibn Arabi, ainsi qu'à Louis Massignon et Henry Corbin. C'est grâce à ces trois chercheurs que l'enseignement du Maître de Murcia a pu renaître en terre d'islam et se faire connaître en occident.

  • remplir la liste de livres d'Ibn Arabi en arabe
  • La vie merveilleuse de Dhû-l-Nûn l'Egyptien
  • Le livre de l'Extinction dans la Contemplation
  • Le Traité de l'Amour
  • Le Traité de l'Unité
  • Le Voyage vers le Maître de la Puissance
  • Les Soufis d'Andalousie
  • Les Illuminations de la Mecque
  • La Sagesse des Prophètes
  • L'Alchimie du Bonheur parfait
  • L'interprête des désirs ardents
  • L'Arbre du Monde
  • "Le dévoilement des effets du voyage", édition du texte arabe, traduction introduction et notes de Denis Gril, Editions de l'Eclat, 1994
  • "La production des cercles", édition du texte arabe Nyberg, traduction et introduction Paul Fenton et Maurice Gloton, Editions de l'Eclat, 1996.
  • Le livre des chatons des sagesses',' Editeur AL-Bouraq, 1999
  • " Les trente six attestations de l'unité "

-le livre de l'arbre et des quatre oiseaux

Bibliographie

De Ibn 'Arabi

  • La prière du jour du vendredi: extrait du chapitre 69 des Futūhāt, éd. al-Bustane, Paris, 1994 (ISBN 291085602X)
  • Les trente-six attestations coraniques de l'unité, éd. al-Bustane, Paris, 1994 (ISBN 2910856011)
  • Le Maître d'amour, illustrations de Nja Mahdaoui, texte de Rodrigo de Zayas - éd. Albin Michel.
  • Le dévoilement de l'effet du voyage traduit par Denis Gril, éd. de l'Eclat, 1994. Texte arabe édité, traduit et présenté par Denis Gril en accés libre sur le site http://www.lyber-eclat.net/lyber/ibnarabi/voyage.html
  • La vie merveilleuse de Dhû-I-Nûn l'égyptien, traduit par Roger Deladrière, éd. Sindbad, Paris, 1994 (ISBN 2727401575)
  • La profession de foi, traduit par Roger Deladrière, éd. Sindbad, Paris, 1995 (ISBN 2727401964)
  • Les soufis d'Andalousie, traduit par R. W. J. Austin, éd. Sindbad, Paris, 1995 (ISBN 2727401551)
  • Le livre des contemplations divines, traduit par Stéphane Ruspoli, éd. Sindbad, Paris, 1999 (ISBN 2742723935)
  • Le Chant de l'ardent désir, traduit par Sami Ali, éd. Sindbad, Paris, 2006 (ISBN 2742765027)

Sur Ibn 'Arabi et son oeuvre

  • Claude Addas, Ibn Arabi et le voyage sans retour, éd. du Seuil, Paris, 1996, collection "Point-Sagesse".
  • Claude Addas Ibn Arabi ou la quête du souffre rouge, Claude Addas, Paris, Gallimard, Collection "Bibliothèque des Sciences humaines", 1989.
  • Henry Corbin, L'imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn Arabi, Paris, Flammarion, 1958; Flammarion-Aubier, 1993.
  • Titus Burckhardt, Clef spirituelle de l’Astrologie musulmane d’après Mohyiddin Ibn 'Arabi, Milan, éd., Archè, Bibliothèque de l’Unicorne, 1974.
  • William Chittick,

- The Sufi Path of Knowledge. Ibn al-Arabi’s Metaphysics of Imagination, New York, SUNY Press, 1989. - Imaginal Worlds. Ibn al-Arabi and the Problem of Religious Diversity, SUNY Press, 1994. - The Self-Disclosure of God : Principles of Ibn al-Arabi’s Cosmology, SUNY Press, 1997.

  • Michel Chodkiewicz,

- Le sceau des saints. Prophétie et sainteté dans la doctrine d’Ibn Arabi, Paris, Gallimard, nrf, "Bibliothèque des sciences humaines", 1986. - Un océan sans rivage. Ibn Arabi, le Livre et la Loi, Librairie du XXe siècle, Paris, éd., Seuil, 1992.

  • Stephen Hirtenstein,

- The unlimited mercifier : the spiritual life and thought of Ibn Arabi, Oxford, Anqa publishers ; Ashland, White Cloud Press, 1999 - Prayer and Contemplation : foundations of the spiritual life according to Ibn Arabi, ed. by Stephen Hirtenstein, Oxford – San Fransisco, Muhyiddin Ibn Arabi Society, vol.14, 1993.

- Histoire et classification de l’œuvre d’Ibn Arabi, 2 vol., Damas, Institut français, 1964; traduction arabe par Ahmad Muhammad al-Tayyib, Le Caire, éd. de l’agence égyptienne générale du livre, 2001. - “Ibn 'Arabi”, Encyclopaedia Universalis, vol. 11, Paris, 1996, p. 869-871.

Voir aussi

Liens externes

ATTENTION ! Il y a confusion entre Mohammed Ibn el Arabi et Mohieddine Ibn Arabi, dans les deux textes il s'agit du dernier cité.


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